Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Agnabeya
24 mars 2017

Feridiye Caddesi

[Sur l'air de Dans mon HLM, Renaud - depuis des semaines que ça me trotte dans la tête cette foutue ritournelle, Et la blonde du 2ème... le HLM, autant que ça serve]


Au rez-de-chaussée
Feridiye Caddesi
Quinze paires de chaussures dans l'entrée
Le double portail claque jour et nuit
Aux crochets les manteaux
Et les croquettes sur le lino

Au rez-de-chaussée
Feridiye Caddesi
Débordent frigo et cendriers
Bouillonnent thé et machine à laver
Il ne fait pas chaud c'en est loin
Mais le soleil arrive du jardin

Au rez-de-chaussée
Feridiye Caddesi
Le premier locataire
A pour nom Liberté
Il ramène l'eau par stère
Mais elle s'écoule dans la soirée

Au premier
Feridiye Caddesi
Juste après l'escalier en bois
Le batteur Anas habite là
Etrangement silencieux
Mais la cocker Marcha
Fait du bruit pour deux

Au second
Feridiye Caddesi
Y a le séchoir sur le balcon
Croulant sous les draps et caleçons
Et puis Akin le cousin
Qui attend que ses chantiers finissent
Pour retourner à Adana
Cigarettes en commun
Toujours prêt à rendre service
Et l'odeur de ses petits plats
Une dernière chambre enfin
Où défilent les itinérants
Des amis locaux aux touristes allemands
Des Japonais aux Portoricains

Et puis y a mon antre
Au lit démesuré
Fauteuil et table ronde au centre
Pour rouler et fumer
Luminaires tamisés
Tahinli partagée
- Quand le chat la vole pas
Car Feridiye Caddesi
Y a Cheetah aussi
L'immaculé chapardeur
Et dragueur à ses heures
Qui dort parfois avec moi

Et y a le propriétaire
De Feridiye Caddesi
Qui n'en a guère l'air
Avec ses cheveux en pétard
Plus d'un oiseau tombé du nid
Il est toujours en retard
Au fond pourquoi se presser
Quand on a tout son temps
Encore plus se gêner
Agaçant attachant

Feridiye Caddesi
On cause politique et vie
Du turc au français
Du saxo aux tambours
Certains ne dorment jamais
D'autres se lèvent avant le jour

Feridiye Caddesi
On ferme rien à clef
Y a des gens bourrés
Au milieu de la nuit
Qui braillent ou font des insanités
On ne voit pas comment y travailler

Alors comment il se fait
Que j'aie tant envie d'y rester.

Comment il se fait, ouais. Ca tient peut-être uniquement au fait qu'après tout ce temps - presque six mois bordel - à habiter seule, je me suis soudain souvenue que ce n'était pas mon truc, que ça ne l'avait jamais été - du reste, depuis mes années d'étudiante et même pendant, je me suis toujours arrangée pour partager, petits amis famille colloc Ecurie. Je ne sais pas ce qui m'a pris à Istanbul.
Ou alors c'est tout bêtement que le muezzin de ma nouvelle rue qui ne dort jamais elle non plus est nettement plus doué que celui de l'ancienne. Quoi, ce n'est pas un argument ? Et pourtant, dans cette fameuse cuisine glaciale, j'ai eu dès le jour de mon intronisation une crise de révélation : au fond, cela fait cinq ans à présent que je ne fais que ça, écouter l'adhan en fumant, être assise avec des gens dont je ne comprends pas la langue, et tant mieux. Il n'y a rien de meilleur que de ne pas comprendre, ça permet de se préserver, et d'imaginer.
A la veille de mes trente-deux ans, je ne cherche pas autre chose.

IMG_0949

Publicité
Publicité
Commentaires
Agnabeya
Publicité
Archives
Publicité