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Agnabeya
21 mai 2017

Benim fare isirdi - une histoire stambouliote


Depuis quelques temps déjà la maison en bois où je réside avec quelques autres fous furieux et touristes de passage retentissait de croc-croc-crocs et bruits de petites pattes, dans la cuisine et la nuit surtout.
Après avoir trouvé cela relativement drôle un moment (précisons que j'ai déjà cohabité avec des chats des chiens des chevaux des araignées des cafards et même des scarabées, mais les souris c'était une première), j'ai fini par perdre patience et sommé mon lémurien de proprio-colloc de faire quelque chose, ambiance c'est les souris ou c'est moi.
Quelqu'un parle du chat ? Eh bien, il n'a pas levé le coussinet, même alors que ça frétillait derrière le frigo à à un mètre de lui. Cet animal ne sert absolument à rien, sinon passer ses nuits dehors à courir la femelle et bouffer et roupiller lorsqu'il réapparaît - avec de surprenants éclairs de solidarité lorsque je vais mal et qu'il décide de me tenir compagnie. Digne enfant de son père, le proprio précité.

Donc, après deux-trois jours syndicaux de promesses et procrastination, Colloc a fini par revenir héroïquement de l'extérieur avec... un unique piège, modèle antédiluvien en ferraille avec trappe puisque nous sommes tous des hippies et que personne ne voulait tuer quoi que ce soit. Pour être honnête, j'étais sceptique sur l'efficacité du bidule, mais on (il) l'a quand même installé, avec des fruits secs au frais de mon cher établissement scolaire au bout. Avant de sortir prendre l'apéro - version turque, c'est-à-dire petits verres de thé et musique des dés sur la tavla (jeu de dames oriental).
Fin de journée de mai à regarder le bleu puis le noir succéder au soleil déclinant, inspirant l'air du dehors après tant d'heures d'enseignement confinées ; ils causent turc, tentant de m'expliquer les règles du jeu, Colloc est mauvais perdant c'est évident même dans une autre langue, des cigarettes sont roulées, pas sûre de savoir si on attend le bon vouloir du livreur au visage de rapace ou si on est juste là pour le plaisir - bref, je ne comprends rien et tout va bien.


A notre retour, surprise, il y a un captif dans le piège, et ce n'est pas une souris... c'est un rat. Un vrai de vrai rat des villes, brun-gris aux dents jaunes à la longue queue glabre, et l'air beaucoup moins sympathique que le compagnon de mon adolescence gothique. Soudain mes collocs mâles - au nombre de trois tout de même - faisaient moins les malins - en vrai ils se sont regroupées prudemment dans un coin de la cuisine en regardant la bestiole de loin. Lorsque Colloc-proprio a carrément cherché une perche, j'ai lâché oooooh cooooome ooooon t'as pas besoin de ça, et attrapé la cage par sa poignée.
Et puis nous sommes allés relâcher monsieur Rat - c'est-à-dire, surtout moi, parce que le sexe masculin c'est un peu comme la prépa AGREG ou les guides de voyage, plus utile en théorie que dans la vraie vie - à moins qu'il ne faille accuser leur caractère de citadin. Mais comme un animal affolé n'est jamais malin, j'ai dû basculer la cage pour lui faire trouver la sortie, approché trop près mon doigt et, croc, le rat m'a mordue.
Une toute petite plaie, je l'ai désinfectée par mesure de précaution - au raki car on n'avait que ça comme alcool - et puis bonne nuit.
Le lendemain au boulot, je suis allée désinfecter à nouveau, mais l'histoire a semblé effrayer l'infirmière, à cause des microbes possibles paraît-il. En une matinée, l'histoire avait fait le tour du bahut, jusqu'à remonter aux oreilles de ma directrice en personne...
Donc, sans déconner, envoi express à l'hôpital. Avec mon collègue-interprète Efe nous restons coincés trois plombes dans le traffic, affrontons la pluie battante au sortir du taxi, arpentons les différents services, pour finir par apprendre à notre grande surprise (faut dire, on est profs de langues, hein) que les rats ne transmettent pas la rage - seulement les chiens et les chats hahaha.
En revanche, on me parle du tétanos, le mot est le même en turc, et du fait que je dois faire le vaccin à présent. Et moi, triomphale : Mais j'ai déjà le vaccin putain - c'est même le seul vaccin au monde avec lequel je suis à jour, car ayant travaillé avec... des chevaux. Je savais que les ongulés sauveraient ma peau un jour - avec, il faut être honnête, la conscience maternelle qui m'avait fait prendre ledit vaccin quasi manu militari.
Moralité : maman a toujours raison, même depuis l'étranger...

Est-il utile pour conclure de préciser que je me suis fait un plaisir de raconter cette histoire à qui voulait l'entendre, y compris à domicile, où mes collocs n'ont pas vraiment eu le beau rôle... et il faut bien avouer qu'ils ne se sont pas fait prier pour me rejoindre dans l'autodérision.
- Dis donc, t'es quand même une femme forte, je veux dire, une... (Colloc-proprio).
- Une guerrière, oui, j'ai déjà entendu ça.  Come on (bis), j'ai affronté le Hezbollah, je vais quand même pas avoir peur d'un pauvre rat !
- N'empêche, se faire mordre par un rat à Istanbul, c'est quand même une histoire... (Collègue-Yilmaz).
- De fou, oui, j'ai déjà entendu ça aussi.

... Je n'écrirai peut-être jamais le roman d'Istanbul, mais je m'y serai tout de même bien amusée, par moments.

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